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>>Diagnostic d’une fièvre récurrente africaine ou à tique - borréliose

23 octobre 2017
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Niveau de mise à jour : 5

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Introduction

Les fièvres récurrentes africaines ou "à tiques" sont dues à des Borrelia. On les rencontre en Afrique tropicale mais aussi en Afrique du Nord et jusqu’en Turquie [1] :
 Borrelia crocidurae en Afrique de l’Ouest, zone saharienne et sahélienne, Afrique du Nord, Turquie.
 Borrelia duttonii plutôt en Afrique de l’Est, partie nord de la zone subéquatoriale, Madagascar,

Les vecteurs de ces Borrelia sont des tiques molles du genre Ornithodoros. Pour B. crocidurae, le vecteur connu est la tique Ornithodoros sonrai, qui vit en contact étroit avec les petits rongeurs sauvages dont elle colonise les terriers.
Toutes les borrélioses sont des zoonoses, l’homme n’étant qu’un hôte accidentel sauf pour Borrelia duttonii qui ne touche que l’homme.

Epidémiologie

 Ces fièvres récurrentes sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne le croyait : elle serait l’étiologie de 11 % des fièvres d’allure palustre !
 Elles touchent surtout les populations rurales car plus exposées aux morsures de tiques.

Physiopathogénie

 Les borrélioses sont des infections du sang [2] mais, depuis le sang, elles peuvent toucher d’autres organes : système nerveux central, yeux, foie.
 Leur temps de multiplication dans le sang est de 6 à 12 heures jusqu’à atteindre 105 à 107 bactéries/ml pendant les accès fébriles [1]. Ce nombre retombe probablement très bas entre les accès car les mécanismes de défense éliminent les bactéries.
 "Les récurrences fébriles caractéristiques des infections par les Borrelia sont provoquées par l’apparition dans le sang du patient de variants antigéniques échappant à l’action des anticorps dirigés contre les bactéries à l’origine du premier accès fébrile." [1]

Clinique

C’est un accès fébrile brutal pouvant atteindre 40 à 41°C, accompagné de frissons, céphalées, d’asthénie, algies diverses. La fièvre dure trois à quatre jours, retombe brutalement, puis, classiquement, de nouveaux accès (jusqu’à 9) surviennent. Les troubles digestifs sont fréquents. Il peut y avoir, rarement, des atteintes oculaires et cérébrales.
Le tableau est très facilement confondu avec un accès palustre !

Diagnostic biologique

Si, lors des accès fébriles, il y a 105 à 107 bactéries/ml, soit 100 000 à 10 000 000 par ml et que l’on examine une goutte de 20 µ (1 ml = 1 000 µl), il y en aura entre 100 000 et 10 000 000 / 1000 x 20 sur une lame soit 2 000 à 200 000.
Hors de ces accès leur nombre redevient très bas.
Il est donc essentiel de prélever le sang pendant un accès et seulement à ce moment : tout prélèvement non effectué à ce moment doit être refusé par le technicien [3].

En pratique, 1° possibilité :
 prélever au moins une goutte de sang lors d’un accès fébrile [4]. Le sang capillaire semble convenir ;
 déposer la goutte sur une lame en l’étalant peu pour avoir une faible surface à examiner,
 colorer au MGG ou Giemsa ou Gram [5]. Attention : la forme spiralée régulière est souvent altérée par la coloration sur lame : la Borrelia apparaissant alors comme un long fil sinueux et non plus finement spiralé. Déployées, elles sont longue : 10 à 15 microns (2 à 3 diamètre d’hématie) ;
 examiner la lame en cherchant de fines bactéries spiralées ou au moins flexueuses. Attention : ces bactéries sont fines, peu colorées, donc parfois difficiles à repérer ;
 examiner toute la surface du dépôt avant de répondre "Absence de Borrelia".

Il devrait aussi être possible de faire un examen entre lame et lamelle au microscope à fond noir ou au contraste de phase au x 100, comme pour rechercher Treponema pallidum, si on en dispose. Leur spirilles sont respectés (voir photoPhoto [6], avec cette technique, de B. burgdorferi, très semblable) et si l’examen est rapidement fait elles peuvent être mobiles ce qui facilité beaucoup leur repérage.
Nous n’en avons pas vu de publication.

Borrelia burgdorferi. (Cliquer pour agrandir).

En pratique, 2° possibilité (que nous conseillons si on en a les moyens) :
Comme il n’est jamais certain qu’on aura les très fortes concentrations de Borrelia de l’accès fébrile, il a été proposé de prélever du sang dans un tube capillaire hépariné, de centrifuger, de couper ce tube (attention à ne pas oublier vos lunettes !) 2 à 3 mm au-dessus du niveau de sédimentation des globules blancs (buffy coat) [7], de déposer ce plasma surmontant immédiatement le buffy coat sur une lame, de l’étaler puis de colorer et examiner classiquement.
Cette technique concentre fortement les Borrelia et augmente la sensibilité de l’examen.

En pratique, 3° possibilité :
Si on dispose d’un microscope à fluorescence il est possible de colorer avec de l’orangé d’acridine [8] puis d’examiner en fluorescence. Cette coloration donne des images qui "sautent aux yeux" rendant la détection facile et augmentant encore la sensibilité.

En pratique, 4° possibilité... la meilleure :
Si on dispose à la fois d’une centrifugeuse à micro-hématocrite, d’un microscope à fluorescence et de micro-tubes pour QBC [9], on prélèvera dans ce micro-tube, on centrifugera et on examinera en fluorescence, directement dans le tube, la zone immédiatement au-dessus du buffy coat.
Cette technique concentre fortement les Borrelia et augmente jusqu’à 100 fois la sensibilité de la recherche [10].

Spirochètes colorés à l’acridine orange dans un QBC de sang. Grossissement x 500. Voir note ci-dessous. (Cliquer pour agrandir).

Remerciements image [11]

Cet examen est un peu difficile et nécessite un entrainement mais il donne les meilleurs concentration et coloration... et permet à la fois le diagnostic de paludisme et de borréliose.

Traitement

Antibiotiques actifs : chloramphénicol / thiamphénicol, tétracyclines, érythromycine, pénicilline.
Les Borrelia sont résistantes à la rifampicine, au métronidazole et aux sulfamides et peu sensibles aux quinolones et aux aminosides.

Les traitements classiques :
 à la tétracycline : 500 mg per-os chez l’adulte et 12,5 mg/kg chez l’enfant de plus de huit ans, toutes les six heures, pendant 5 à 10 jours.
 à la doxycycline : 100 mg per-os chez l’adulte deux fois par jour et 4 mg/kg en une seule prise chez l’enfant de plus de huit ans, pendant 5 à 10 jours.
 si atteintes neurologiques : 12 à 30 millions d’UI par jour de pénicilline G ou 2 g/j de ceftriaxone parentérale, pendant 10 à 14 jours.

Il y a un risque important de réaction de Jarish-Herxheimer en début de traitement : voir e-Pilly TROP [1].
Sans aucune certitude, il pourrait être prévenu par une augmentation progressive des doses d’antibiotiques associée à des corticostéroïdes (type 30 mg prednisolone) débutés avant l’antibiothérapie.


notes

[2C’est un cas très particulier de septicémie : une septicémie "classique" est due au déversement de bactéries dans le sang, depuis une zone où elles se multiplient (exemple : lors d’une pyélonéphrite les bactéries se multiplient dans le rein et, périodiquement, une partie d’entre-elles se déverse dans le sang). Ici le site de multiplication des bactéries semble bien le sang lui-même.

[3Comme pour de nombreux prélèvements, nous conseillons vivement au technicien d’effectuer lui-même le prélèvement !

[4Cliniquement l’accès fébrile est marqué chez le patient par un frisson, parfois très intense, ou, au moins par une forte sensation de froid.

[5La coloration de Gram convient aux Borrelia mais en colorant au Giemsa on visualisera aussi bien les Borrelia que les Plasmodium.

[6Credit : Content Providers(s) : CDC — This media comes from the Centers for Disease Control and Prevention’s Public Health Image Library (PHIL), with identification number #6631. Note : Not all PHIL images are public domain ; be sure to check copyright status and credit authors and content providers. English | Slovenščina | +/− Cropped and uploaded originally to (http://en.wikipedia.org/wiki/Image:Borrelia_image.jpg)

[7Dans l’ordre de sédimentation, du bas vers le haut, on peut trouver : hématies, hématies parasitées par plasmodium, leucocytes, plasma contenant des Borrelia, plasma.

[8L’orangé d’acridine est cancérigène donc porter gants, masque et lunette lorsqu’on l’utilise. Aérer le local.

[9Quantitative Buffy Coat. Becton Dickinson Diagnostics. Les parois internes sont recouvertes d’orangé d’acridine et d’oxalate de calcium.

[10ALJE P. VAN DAM, TOM VAN GOOL, JOSE ́ C. F. M. WETSTEYN, AND JACOB DANKERT. Tick-Borne Relapsing Fever Imported from West Africa : Diagnosis by Quantitative Buffy Coat Analysis and
In Vitro Culture of Borrelia crocidurae. JOURNAL OF CLINICAL MICROBIOLOGY, June 1999, p. 2027–2030.

[11Avec l’aimable autorisation de Alje van Dam, medical microbiologist, Amsterdam. Depuis : Acridine-orange-stained spirochetes as seen in QBC analysis of blood from patient 2. Magnification, x 500.
From : Tick-Borne Relapsing Fever Imported from West Africa : Diagnosis by Quantitative Buffy Coat Analysis and In Vitro Culture of Borrelia crocidurae.
ALJE P. VAN DAM,1* TOM VAN GOOL,1 JOSE ́ C. F. M. WETSTEYN,2 AND JACOB DANKERT1
JOURNAL OF CLINICAL MICROBIOLOGY, June 1999, p. 2027–2030

Sujet : RE : Use of Borrelia photo in Bioltrop Web site. Date : Fri, 15 Aug 2014 06:51. De : van Dam, A.P. Pour : Courrier BSF.
Dear Dr.Gille,
As I feel it a good thing to help BSF and laboratories in developing countries, I gladly give you permission to use these pictures,
Alje van Dam, medical microbiologist, Amsterdam

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