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21 novembre 2023
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GENERALITES

Au cours des bactériémies ou même des septicémies, les bactéries sont, dans l’immense majorité des cas, beaucoup trop rares dans le sang pour pouvoir être visualisées au microscope [1].

  • Donc : pas d’examen microscopique sur le sang prélevé.

PRÉLÈVEMENTS

Moment du prélèvement

On prélèvera impérativement au moment d’un frisson ou, au moins, au moment où le patient dit avoir froid, car c’est le moment où la fièvre monte, donc où les bactéries circulent. A l’inverse on ne fera jamais de prélèvements lorsque la température baisse c’est à dire, cliniquement, lorsque le patient dit avoir trop chaud ou transpire.
S’il n’y a jamais de frissons ou de sensation de froid, on pratiquera les hémocultures plutôt entre 17 et 19 h.

  • Donc : Prélever au moment du frisson précédent un clocher thermique.

On s’efforcera toujours de faire le prélèvement avant toute administration d’antibiotiques. Si ce n’est pas le cas on tentera d’effectuer une fenêtre thérapeutique d’au moins 24 h ou 48 h avant d’effectuer les prélèvements.
Pratiquement dans tous les cas les hémocultures sont beaucoup plus fréquemment positives en début de maladie qu’ultérieurement (lorsque des défenses organiques se sont installées).

Nombre de prélèvements. Quantité de sang prélevé

La quantité de sang mise dans les flacons d’hémoculture doit être d’environ 10 % du volume du bouillon de culture. Cela signifie que pour un flacon contenant 100 ml de bouillon on mettra 10 ml de sang. Pour des flacon contenant 70 ml on mettra 7 ml de sang et si on a fabriqué soit même des flacons contenant 300 ml on mettra 30 ml de sang.
On considère que la quantité nécessaire et suffisante en une journée est de 6 flacon (de 70 ou 100 ml) prélevés part lots de 2 (1 aérobie, 1 anaérobie) à entre 10 et 30 min d’intervalle. Mais il a été démontré que prélever en une fois (pourvue que ce soit au bon moment (cf. ci-dessus), donc lorsque la fièvre monte) 60 ml de sang et le répartir entre 6 flacons (ou tout mettre dans deux flacons contenant chacun 300 ml de bouillon) donne les mêmes résultats... ceci en piquant moins souvent le patient et en donnant moins de travail au personnel ! On préfèrera donc cette technique, d’autant que le moment idéal ne dure pas toujours bien longtemps.
En principe une hémoculture comprend une mise en culture en aérobiose et une mise en culture en anaérobiose. On dispose donc, généralement, d’un flacon dit aérobie et d’un flacon dit anaérobie.
En pratique si on ne dispose que d’un seul type de flacon (de préférence anaérobie sauf si on suspecte une méningococcie) cela n’a pas une importance majeure.
Il est important d’insister sur le fait que les hémocultures ne sont pas réservées au milieu hospitalier ! Il est parfaitement possible, et tout à fait souhaitable, d’en effectuer en clientèle de ville, en particulier pour tous les syndromes septicémiques à manifestations cliniques discrètes, bâtardes : au premier chef les endocardites infectieuses et les brucelloses. [2]

  • Donc : Plus de sang prélevée = plus de bactéries infectieuses détectées.

Comment prélever

On prélève par ponction une veine périphérique à l’aiguille métallique montée sur seringue. L’asepsie doit être très soigneuse (voir : Antisepsie de la peau). La fréquence d’isolement (1à à 15 %) dans des hémocultures prélevées négligemment de Staphylococcus epidermidis (principal germe de la flore cutanée aérobie) alors qu’il n’est que rarement responsable d’infections, montre combien les contaminations d’origine cutané sont courantes... et comme l’asepsie est négligée.
Nous rappellerons que les antiseptiques nécessitent un délai d’action d’au moins 5 minutes. Nous conseillons d’utiliser, après toilette locale à l’alcool, un antiseptique iodé (Bétadine ®) ou de la chlorhexidine. L’asepsie est commencée avant tout autre geste. Le tampon imprégné d’antiseptique est laissé en place au point que l’on envisage de ponctionner. On préparera alors sa seringue de ponction, ses flacons dont on aseptisera les bouchons, on placera le garrot, etc… Juste au moment de piquer, on passe alors un nouveau tampon imprégné d’antiseptique puis on effectue la ponction.

INCUBATION

Elle est faite, très banalement, à 36°, pendant 24 h (voir étuve de fortune).
Pour la plupart des bactéries la température d’incubation n’est pas critique mais toujours se rappeler qu’il vaut mieux une température trop basse (elle ralentie seulement la pousse) qu’une trop haute (elle tue les bactéries !).
En cas d’absence de pousse on poursuit l’incubation une semaine en examinant le bouillon, sa surface (recherche d’un voile) et la surface du sédiment cellulaire, matin et soir

  • Donc : Incubation à 36°C, 24 h. Si pas de pousse incuber et surveiller une semaine.

EXAMEN et TRAITEMENT DES FLACONS

Après 18 à 24 h d’incubation on regarde :
 si l liquide est trouble (attention de ne pas agiter les flacons !),
 s’il est clair : s’il n’y a pas des grains suspects sur le tapis de globules,
 s’il est clair et sans grains : s’il n’y a pas un trouble à peine visible en surface du liquide,
ces trois éléments étant des signes de pousse bactérienne.

Si il y a des signes de pousse bactérienne, on ouvre le flacon [3] et on prélève à la pipette Pasteur :
 environ 1 ml du bouillon si il est trouble,
 ou plusieurs grains suspects s’il y en a,
 ou la surface du bouillon si le trouble est limité à cette seule surface.

On dépose un petite goutte sur une lame et le reste du bouillon dans un tube à centrifuger. On recouvrera immédiatement d’une lamelle.

L’examen entre lame et lamelle montrera s’il y a ou non des bactéries.

Si oui, on verse environ 5 ml de sérum physiologique stérile (ou à la rigueur d’eau filtrée) dans le tube à centrifuger, on mélange, on centrifuge environ 5 min à 3-5000 tours (avec une centrifugeuse de paillasse courante), on élimine le surnageant et on étale une partit de culot sur une lame qu’on colore au Gram [4].

INTERPRETATION DES RESULTATS

1) Les hémocultures négatives n’éliminent rien ! Si elles restent négatives, cela démontre seulement que l’on n’a pas mis en évidence de germes, non qu’ils n’y étaient pas ! [5]

2) L’interprétation se fait sur l’aspect des germes (forme et Gram, éventuellement mobilité vue entre lame et lamelle), rapproché des renseignements cliniques et biologiques.

3) Une des principales difficultés d’interprétation est de distinguer les contaminations des véritables bactériémies ou septicémies. On s’appuie pour cette distinction sur au moins trois éléments :
 la nature des germes identifiés : les bactéries de la peau ou de l’air sont évidemment beaucoup plus souvent contaminantes que des bactéries exceptionnellement présentent sur la peau ou dans l’air. Donc trouver une bactérie fréquente sur la peau (staphylocoque non doré, corynébactérie...) ou dans l’air Bacillus est très suspect d’une contamination ;
 le nombre de flacons positifs avec une espèce bactérienne : plus ce nombre est important plus la probabilité d’infection avec cette espèce augmente.
 du mono ou pluri-microbisme : septicémies et bactériémies sont très habituellement mono-microbiennes (hormis les cholécystites, elles presque toujours responsables de bactériémies pluri-microbiennes). La présence de plusieurs espèces bactériennes est donc souvent en faveur d’une souillure du prélèvement (mais peut-être qu’un des germes est bien significatif !).
Il est donc très important de faire très soigneusement l’aseptise ce qui évite ou raréfie ces difficultés d’interprétation !

4) Certaines espèces bactériennes doivent attirer l’attention sur la probabilité de certaines pathologies sous-jacentes :
 Streptococcus gallolyticus ancien S. bovis type I, se rencontre presque toujours lorsqu’il y a des lésions coliques, en particulier des cancers du colon,
 les streptocoques dits "viridans" et les entérocoques, se rencontrent essentiellement lors d’endocardites infectieuses du cœur gauche,
 les Staphylococcus epidermidis, lorsque ce ne sont pas des contaminants, les Candida albicans, se rencontrent souvent lors d’endocardites du cœur droit (porteurs de pacemaker, en particulier)...

TECHNIQUES BACTERIOLOGIQUES

Transport
Idéalement, les hémocultures doivent être mises à incuber à 36° C dans les minutes qui suivent leur ensemencement.
Le laboratoire doit, pendant ses heures de fermeture, mettre à la disposition des soignants une étuve accessible pour y déposer les hémocultures.
Les transporter jusqu’à l’étuve du laboratoire emmaillotée de coton ou autre isolent ne sert à rien si le transport ne prend que quelques minutes.

Mise en culture
Elle est effectuée par le personnel infirmier (ou, mieux, par le technicien), au lit du malade par injection immédiate du sang prélevé dans le bouillon de culture.

Rupture du vide du flacon
Les flacons sont "sous vide" c’est à dire que la pression dans le flacon est inférieure à la pression atmosphérique. Ceci est du à l’autoclavage.
Il ne faut pas "casser" ce vide au lit du patient (ça le contamine avec des bactéries de l’air) mais laisser le faire par le technicien du laboratoire.
Pour ce faire le technicien ouvrira le flacon très prêt du bec à gaz ou sous hotte à flux laminaire.

Milieux ensemencés
C’est le bactériologiste qui choisit le type de flacons mis à la disposition des services.

Trois questions se posent : le choix des bouillons, l’utilisation d’un système inhibant les antibiotiques, le type de lecture et surveillance des flacons (automatisée, semi-automatisée, manuelle...).

 Choix des bouillons de culture.
Quelques industriels, chacun avec quelques produits, se partagent le marché. Actuellement, tous leurs milieux sont de bonne, voire d’excellente qualité. Le choix du type de milieu sera donc fonction des bactéries qu’on isolera le plus fréquemment dans les pathologies que l’on est amené à traiter. En effet, certains milieux peuvent favoriser (discrètement mais significativement) telle ou telle espèce bactérienne.

Il est aussi envisageable de fabriquer soit même ses milieux de culture. Ils n’auront pas les qualités très pointues des milieux commerciaux modernes mais, bien réalisés, ils permettront la culture de 95 à 100 des germes que l’on peut rencontrer dans des dispensaires isolés.

– Système inhibant les antibiotiques (AB).
Actuellement les particules de charbon, comme inhibiteurs des AB dans le milieu de culture, semblant abandonnées au profit de "résines". Le surcoût de ces milieux "inhibiteurs" est devenu modeste.
Outre leur éventuel rôle inhibiteur, ces résines pourraient apporter l’avantage de grandes surface d’adhésion probablement utiles à la croissance de certaines bactéries "préférant" cultiver en bio-films mais ceci, à notre connaissance, reste non démontré.
Hormis les suspicions d’endocardite infectieuse ayant reçu des antibiotiques, ces systèmes semblent de peu d’intérêt.
Sachant que si des bactéries sont essentiellement altérées par des AB lors de leur passage dans le sang depuis le foyer d’infection, aucun résine dans le milieu de culture ne pourra, rétrospectivement, modifier cette altération... il faut donc surtout rappeler que toute hémoculture doit – autant que faire se peut - être prélevée avant instauration d’une antibiothérapie.

– Choix d’un système de lecture plus ou moins automatisé.
Ce dernier point est critique surtout pour les laboratoires traitant plusieurs dizaines voire centaines d’hémocultures quotidiennement. C’est un problème complexe, tant économique que technique et bactériologique, nécessitant d’étudier son insertion dans un cadre biologique global (en particulier de la gestion des flux d’analyses et de l’informatisation du laboratoire). Sa discussion sort donc de notre sujet.


notes

[1on ne peut "espérer" voir des bactéries directement dans une goute de sang examinée au microscope que dans les phases terminales de la peste et du charbon. On peut également en voir lors de borrélioses africaines (african relapsing fever borreliosis) mais c’est très exceptionnel. Il y aura donc toujours une étape de mise en culture du sang et ce sont ces cultures qui seront examinées. Le sang circulant - et la lymphe en dérivant - est un milieu très défavorable à la survie des bactéries : il contient de nombreux facteurs bactéricides et traverse des "filtres immunitaires" (rate, ganglions). En fait, les bactéries ne se multiplient pas dans le sang ; elles y sont déversées, plus ou moins fréquemment, de façon plus ou moins massive, depuis un point de multiplication : le lieu de suppuration. En conséquence les prélèvements de sang pour hémoculture seront généralement ensemencés dans des bouillons de culture, à raison d’environ 1 volume de sang pour 9 volumes de bouillon (ou 10 %), directement au lit du malade. Ce rapport de 10 % est considéré comme optimum : les facteurs inhibiteurs sont suffisamment dilués pour ne plus être défavorables à la pousse ; la quantité de sang est suffisante pour que de faibles concentrations de germes puissent être décelés (par exemple, on considère que, au cours d’une fièvre typhoïde, il peut n’y avoir que 10 bactéries par ml de sang, soit seulement 100 bactéries dans un échantillon de 10 ml).
– Il existe, aujourd’hui, des systèmes dits de "centrifugation-lyse" (système Isolator®). Ce sont des tubes contenant un anticoagulant et une substance de lyse des cellules sanguines permettant la libération des bactéries intracellulaires. Dès son prélèvement le sang est injecté dans ce tube et l’ensemble est mélangé par agitation. Ces tubes seront centrifugés au laboratoire et seul le culot sera récupéré et mis en culture. Ces systèmes de centrifugation-lyse sont assez peu utilisés car, même s’ils présentent des avantages indéniables de sensibilité et si c’est le seul système permettant, actuellement, la recherche de mycobactéries dans le sang, ils présentent des inconvénients : prix élevé et nécessité de l’ouverture du laboratoire pour centrifuger et sub-cultiver rapidement le contenu des tubes : ils sont donc inadaptés aux prélèvements effectués pendant les heures de fermeture du laboratoire de microbiologie ou si, contre toute logique bactériologique, le laboratoire est éloigné (dans un autre hôpital, dans un laboratoire "central"...) du lieu de prélèvement.

[2En occident les laboratoires de ville sont équipés du matériel nécessaire et sont tout à fait aptes à faire les prélèvements, aussi bien au lit du patient que dans le laboratoire.
Un médecin "de ville" peut disposer à son cabinet, voire dans son véhicule, de 2-3 paires de flacons d’hémoculture.

[3un flacon s’ouvre toujours le plus prêt possible de la flamme du bec, en tournant le goulot vers la flamme pour limiter les projections (microscopiques mais dangereuses) vers l’opérateur, de liquide contaminé. Il est vivement conseillé de porter un masque et des lunettes. Les gants latex sont plus dangereux qu’utiles (risque d’inflammation et de brulures graves).

[4ce "lavage" des bactéries est nécessaire lorsqu’elles ont poussées dans un milieu contenant des glucides : ces glucides empêchent la bonne fixation des bactéries qui seront éliminées lors des multiples rinçage des colorations.

[5Certaines bactéries de septicémies ou d’endocardites sont très exigeantes et les milieux que nous pouvons leur proposer "en standard" ne permettent pas toujours leur culture (streptocoques déficients, Coxiella...) ; le passage de bactéries viables dans le sang est presque toujours bref ou très bref et il n’est pas certain que nous ayons saisi cet instant fugitif ; un traitement antibiotique a put être administré sans que nous le sachions...

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